Les pages du matin
J’écris trois pages tous les matins depuis plus de dix ans.
Les cahiers des pages du matin sont des objets intimes qui ne sont pas destinés à être partagés. Ils sont des éléments déclencheurs pour créer, une matière que j’ai sous la main.

Performance peau
En construction
Performance le foulard

Nous sommes sept femmes artistes, réunies pendant 10 jours, dans un endroit qui se nomme « La ferme généreuse », RURART. Tous les matins, chacune, nous verbalisons une intention, à l’univers. En fin d’après-midi, nous présentons aux autres notre recherche, sous forme de performance.
Le 8ème matin, mon intention est de me bander les yeux avec un foulard tout doux, au moins une journée entière. Cette idée est arrivée, il y a quelques mois. Lors d’un autre workshop, durant une pause, accompagnée de l’artiste Valentine, nous voyons un groupe de personnes avec les yeux bandés. Valentine me raconte qu’elle se bande les yeux régulièrement, que ça fait partie de sa pratique. Son histoire m’intrigue. Je décide de l’expérimenter.
Tout le monde part à sa recherche. Je reste assise, avec cette question. C’est quoi de ne rien voir? Avec les yeux bandés, je mets de côté ma vie ordinaire. C’est un plongeon direct dans le noir. De quoi j’ai l’air? Je suis décalée. Amélie vient me voir et me propose d’aller à la rencontre des autres. Nous nous dirigeons vers la cuisine. Elle me sert un verre d’eau. L’eau, je la regarde, avec mes oreilles. Je la bois avec mes oreilles. C’est avec mes oreilles, que je mets mes chaussures, que je dépose ma main sur l’épaule d’Amélie, que j’écoute la distance entre le couloir et la porte d’entrée.
Je découvre, le dehors, le chemin de cailloux et sa longueur. L’arrivée de l’herbe me surprend. C’est un autre regard qui nait.
La performance a duré deux jours.
Performance 1 |cahier du matin
Nous sommes une dizaine d’artistes, réunis aux pieds des escaliers de la sortie de secours du bâtiment du Conservatoire de Montréal. Je regarde dans les yeux une personne et puis chaque personne, un peu vite. J’ai le cœur qui bat fort. Qu’est ce qui m’arrive? J’ouvre le cahier du matin et je lis à haute voix ces phrases intimes mécaniquement.
Je sais plus. Je suis en transe. Je marche à reculons en lisant. Le groupe me suit.
La marche à reculons dure 20 minutes. Chaque personne a bien senti que je n’avais plus tout à fait le contrôle. Leurs mains sont venues se déposer sur mes épaules. L’autre participe. Il devient un art de vivre, bienveillant, un guide pour la performance. Plusieurs fois les mots du cahier font écho avec la vie qui se déroule dehors. Le parcours se termine au 925 rue Marie-Anne Est, mon appartement à mon arrivée, à Montréal, en 2003.

Performance à domicile

« Il y a fort à parier que Roxane de Bruyn convie ses spectateurs à une expérience plus complexe que celles proposées par la plupart des types de théâtre à domicile. Tout d’abord, parce qu’elle adopte une véritable position artistique, ensuite parce qu’elle défend une dramaturgie exigeante et, finalement, parce qu‘elle ne cesse d’étoffer les rapports qui l’unissent à son auditoire. Depuis le 10 mai 2003, la comédienne a donné, près de trente représentations de 4.48 Psychose de Sarah kane dans une multitude de lieux non théâtraux. Qu’il s’agisse d’un jardin, d’un bar, d’un appartement, d’une galerie, d’un escalier, de toilettes publiques, d’un loft ou d’un toit d’immeuble, l’artiste adapte sa performance à tous les lieux (publics ou privés) qu’elle investit, ainsi qu’aux recommandations de ceux et celles qui veulent bien accueillir les quelque soixante minutes de son solo. » – Christian Saint-Pierre, JEU

Les choses se seraient déroulées autrement si je n’avais pas buté sur les droits d’auteur de la pièce qui m’interdisaient de la jouer dans des théâtres. Aussi j’ai dû me battre pour trouver des alternatives afin de jouer ce texte puissant, intrinsèque à mon parcours. Performance à domicile est né de cette détermination.
« Bonjour Roxanne, je voulais te communiquer certaines réflexions que je me suis faites ce matin, le lendemain de ta performance chez Bruno. J’ai trouvé ton jeu très généreux, très doux, à la fois intérieur et déterminé. Tu as une très belle présence, ce texte te va bien. » Témoignage d’une spectatrice, 2003.
